Extrait du journal de Solomoné « Kriss » Kane
4 Augusto Anno 320
… Et ainsi se termina cette dure journée de labeur, après un juste bûcher où périt pour hérésie le prédicateur et professeur de trapèze Stefano. Son crime ? L’apologie de la tolérance envers les contaminés, des blasphèmes contre les Pèlerins, une tentative de meurtre sur un Purificatore en mission, une rébellion contre l’autorité du Doge et la perturbation d’un mariage. Sa femme, Cristella, est toujours en fuite, mais je la retrouverai elle aussi. En attendant, les hurlements de l’hérétique dévoré par les flammes ont longuement captivé la foule. En tout cas, ce fut une douce musique à mes oreilles.
J’ai été réveillé en pleine nuit par la sentinelle de la commanderie de l’Ordre. Un garde, porteur d’une missive venant directement du Contrôleur Salvatore Regiani, Ministre de la Santé, me convoquait à un rendez-vous à effet immédiat. Après une longue journée de labeur, j’aurais aimé dormir, mais cette convocation m’intriguait. Et le devoir ne saurait attendre.
5 Augusto Anno 320
Un tritonde nous a conduits jusqu’au palais Regiani, emmenant d’autres passagers avec moi. J’ai pu les interroger et en apprendre plus sur eux pendant notre attente. Il y avait un certain Donatello, un technicien au visage brûlé – probablement lors d’un accident – originaire du quartier des Fourneaux. Un autre, Léonardo di Francesco, un honnête négociant en volailles du quartier du Port, semblait avoir une certaine érudition en matière d’objets exotiques venus des autres Méga-Cités. Enfin, il y avait un gamin, Luigi di Nobilli, un orphelin recueilli par Leonzio et Annetta. Cela m’a rappelé des souvenirs, mais j’ignore ce qu’il fait là. En vérité, j’ignore pourquoi ces gens sont là avec moi. Sont-ils infectés ?
Aucun d’entre eux ne semblait malade, mais la prudence est de mise…
Nous avons été reçus par le Contrôleur Regiani. J’avoue avoir été impressionné par lui, sa réputation de médecin n’étant plus à faire. Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est la mission qu’il nous a confiée.
Il m’aurait choisi, ainsi que ces autres individus, pour une mission où la discrétion est capitale : des membres de la garde personnelle du Doge ont disparu, et le Contrôleur veut que nous les retrouvions. Les informations disponibles sont maigres, hormis le fait que leur dernière destination connue est une entrée dans les Abysses du quartier des Dortoirs, où ils enquêtaient sur un nouveau foyer d’infection de la Malédiction.
J’avais déjà entendu parler de cette rumeur il y a quelques jours, et je suis surpris de l’inaction de ma hiérarchie. À ma connaissance, aucune opération de grande envergure n’est prévue là-bas. Pourtant, si la rumeur est vraie, le risque de propagation de l’épidémie est immense.
J’ai fait part au Contrôleur de mes doutes : pourquoi la garde du Doge se charge-t-elle de cette mission ? Pourquoi ne pas avoir saisi l’Ordre des Purificatori, voire même fait appel directement à la Compagnie des Ombres, spécialisée justement dans les interventions sous notre magnifique Cité ?
Mais ce que je comprends encore moins, c’est pourquoi constituer une troupe aussi hétéroclite que celle qui m’accompagne pour retrouver ces gardes ?
Cette affaire est louche et sent l’intrigue politicienne à plein nez, comme un infecté sent la pourriture… Mais l’opportunité de découvrir un nouveau foyer d’infectés à purger est trop précieuse, je ne peux refuser cette chance. Essayons simplement de ne pas nous laisser manipuler par la noblesse.
Après l’entretien, nous nous sommes dirigés vers le quartier des Dortoirs. En sortant du Palais Regiani, je me suis rendu compte que j’avais perdu mon kriss. Heureusement, le jeune Luigi a l’œil vif et l’a rapidement retrouvé. Un brave garçon.
Après avoir emprunté le téléphérique, nous nous sommes séparés : les trois civils sont partis vers la porte nord-est afin de rechercher des informations et d’acquérir du matériel pour notre descente, tandis que je me suis rendu à la commanderie locale de l’Ordre des Purificatori.
J’y ai rencontré le Purificatore Antonio Loduca, avec qui j’ai longuement échangé. Il m’a confirmé la rumeur concernant ce nouveau foyer de contamination et, plus grave encore, il m’a parlé de l’inaction volontaire de notre hiérarchie, qui semble éviter le sujet. Pire encore, il m’a appris l’existence d’un vol de [++INFORMATION CENSURÉE++] !
C’est inimaginable ! Quelle catastrophe !
Antonio m’a aussi parlé d’un ancien Purificatore, Ametisto, qui pourrait nous renseigner pour nous orienter dans le sous-monde.
Je lui ai promis de le tenir informé de toute découverte sur la propagation de la maladie, mais aussi sur ce vol.
J’ai rejoint le groupe. Nous avons pris la direction de la porte nord des bas-fonds. Nous sommes descendus par la porte des Abysses et j’ai pu rencontrer le légendaire frère Ametisto. Cet ancien Purificatore est une légende : il fait partie des rares à avoir combattu une Chimère Noire et à avoir survécu. Malheureusement, il a perdu la vue lors de ce combat.
Frère Ametisto nous a renseignés, tout comme son « acolyte », un certain Raoul, un type louche. Cet individu douteux nous a donné le nom d’un contact à la porte abyssale Est du Dortoir. Je leur ai laissé autant d’argent que je pouvais.
Par les Pèlerins, quelle misère de voir un ancien héros réduit à survivre au milieu de cloportes, dans un cloaque…
Alors que nous allions descendre dans la porte des Abysses à l’Est des Dortoirs, j’ai rencontré deux hommes de mon « ami » Il Serpente… Je n’avais pas de temps à perdre et le Contrôleur m’avait demandé d’être discret. La simple menace de mon lance-flammes a suffi à faire fuir ces misérables. Mais ils reviendront. Ils reviennent toujours… jusqu’à ce que je les refroidisse… ou les brûle.
Nouveau cloaque puant, nouveaux parasites vivant sous terre.
Nous avons rencontré le contact, un certain Luca Rouli, une vermine locale. Au final, il ne savait pas grand-chose et nous a indiqué une vieille pouilleuse vivant dans une cabane branlante : Lucia.
Cette vieille crottée s’est pourtant révélée être une source d’informations précieuse : elle nous a confié qu’un groupe important d’infectés, venus d’en dehors de la Méga-Cité, était récemment arrivé dans les Abysses ! Ils seraient passés par "les Quais", un mystérieux port souterrain situé sous le quartier du Port. Un de ses amis, Ernesto « le Vieux », en saurait plus.
J’ai naturellement essayé de lui mettre la pression, mais elle n’en savait pas plus.
En sortant des Abysses pour nous rendre vers les Quais souterrains, j’ai remarqué une agitation grandissante parmi la populace. Une hostilité sourde à ma présence. Un de ces imbéciles a même osé affirmer que les lois de la Cité de Venzia ne s’appliquaient pas dans leur trou puant.
Les pauvres fous !
Tout ce qui est à portée de mon lance-flammes est à la portée de la Justice que je représente.
Le moindre tir de Purga suffirait à faire brûler leurs misérables taudis. Une purge nécessaire. Une mesure d’hygiène pour purifier notre magnifique Cité. Une miséricorde… même pour eux.
Comme il est écrit dans les enseignements des Purificatori :
« Là où sont les ténèbres, j’apporterai la Lumière. »
Nouvelle plongée dans les ténèbres du sous-monde. Nous avons enfin atteint les « Quais », ce mystérieux port souterrain sous le port de la Cité lui-même. Comment une telle merveille architecturale est-elle possible ? Comment une immense caverne et sa mer intérieure peuvent-elles exister sous le poids de l’océan ?
Mais les talents des Pèlerins nos sauveurs étaient incroyables. C’est pour cela que nous les vénérons.
Le gamin Luigi a obtenu des informations pour trouver Ernesto « le Vieux ». Nous avons emprunté une barque pour traverser cette mer intérieure. L’expérience fut désagréable : pas de soleil scintillant sur les flots, pas de reflets lunaires argentés, juste les mouvements furtifs de créatures immondes à la peau blafarde et à la chair froide, ondulant sous la surface huileuse et sombre des flots calmes.
Sous mes pieds, les ténèbres. Tout autour de nous, les ténèbres. Loin au-dessus de nos têtes, la voûte elle-même perdue dans les ténèbres.
Je déteste cet endroit.
Mais nous avons fini par trouver Ernesto. Un misérable pouilleux vivant dans une faille rocheuse comme un rat. Il a bien vu passer un groupe de soldats il y a quelques jours, et allait nous révéler leur destination quand nous avons découvert la vérité…
Par les couilles des Pèlerins, il est INFECTÉ !
Campagne de thefada - Journal de Solomoné « Kriss » Kane, Purificatore
Re: Campagne de thefada - Journal de Solomoné « Kriss » Kane, Purificatore
Extrait du journal de Solomoné « Kriss » Kane
J’ai donc procédé à l’interrogatoire du vieux Ernesto. Je lui ai offert deux possibilités : soit il me livrait toutes les informations en sa possession, et je lui offrirais une mort douce et indolore en lui faisant ingérer une dose de sauge mortifère ; soit il refusait toute coopération, et je n’aurais d’autre choix que d’utiliser des méthodes plus salissantes, avant de le faire brûler vif…
Comme souvent dans ce genre de cas, le condamné a préféré la coopération. Nous lui avons donc payé un dernier bon repas, puisant dans nos ressources et dans ce que Luigi et Léonardo étaient capables de dénicher. Je discutais en même temps avec lui, cherchant des informations susceptibles de faire progresser notre quête, tout en tentant d’en apprendre plus sur lui. Son nom est Ernesto Galiveri, et sa famille vit dans le quartier des Dortoirs. Je me suis engagé à leur apprendre que celui-ci était mort dans l’honneur, afin de protéger notre magnifique Cité de Venzia, et de leur faire don de cinq ducats.
Il nous a aussi appris de nombreuses informations intéressantes : un groupe d’infectés serait arrivé il y a trois jours par les Quais. L’un d’entre eux serait mort juste après son arrivée. Les habitants du sous-monde l’ont dépouillé de ses affaires, puis ont brûlé son cadavre. Sage décision. Le groupe serait ensuite parti par la porte B7. Des miliciens locaux sont venus enquêter. Ernesto nous donna ensuite un papier, qu’il avait récupéré sur le cadavre. Si l’écriture au recto était indéchiffrable, une carte se trouvait au verso. Donatello, notre gueule brûlée, a commencé à conduire le groupe vers la porte, tandis que je passais ses derniers instants auprès d’Ernesto. Une fois mort, je brûlai son cadavre et ses maigres possessions, pour purifier l’endroit. Puisse les Pèlerins guider son âme dans l’au-delà.
J’ai rejoint le groupe devant la porte B7. Celle-ci était gardée par deux miliciens, qui semblaient faire des difficultés à mes collègues. Je m’apprêtai à les brûler vifs pour passer en force et gagner du temps, lorsque je fus arrêté. Les miliciens nous laissèrent passer, tout en nous indiquant qu’ils « garderaient un œil sur nous ».
Quelle bonne blague ! Pauvres fous !
Nous nous enfonçâmes donc dans les profondeurs labyrinthiques des couloirs. L’endroit était chaud, humide, et plus ou moins bien éclairé. Peu de temps après, nous fûmes apostrophés par un individu dans un couloir latéral. Celui-ci semblait vouloir nous dire quelque chose, et nous demanda de nous rapprocher.
Sur mes gardes, je m’approchai donc du citoyen, suivi de mes alliés, lorsque nous fûmes pris en embuscade par des malandrins sortant de bouches de tuyaux sur les côtés du tunnel !
J’appuyai instantanément sur la gâchette de ma Purga, et mon lance-flammes libéra son souffle ardent, rôtissant l’hérétique dans son tuyau comme un porc dans un four. Ses hurlements d’agonie ne stoppèrent pas les autres, qui s’attaquèrent au reste du groupe. Nous nous battîmes vaillamment, et je fus positivement surpris du courage de mes alliés. Je grillai un second hérétique avec quelques difficultés, craignant de brûler accidentellement un membre du groupe, puis chargeai dans la mêlée avec mon épée. Nous mîmes en fuite un troisième, tandis que le quatrième lâcha son arme et se rendit.
Après un bref interrogatoire, je conclus que l’individu ne possédait aucune information valable, et c’est donc tout naturellement que je rendis mon jugement. Celui-ci fut promptement exécuté par le jeune Luigi, qui égorgea le malandrin : un juste châtiment pour s’être attaqué à d’honnêtes citoyens de la merveilleuse Cité et à l’un de ses Purificatores.
Nous continuâmes notre chemin dans ce labyrinthe à la chaleur étouffante, guidés par l’expertise de Donatello et la carte. Heureusement que nous avions la gueule brûlée avec nous ! Ses connaissances du sous-monde furent irremplaçables. Nous sommes finalement arrivés près d’un autel dédié aux Pèlerins (bénis soient-ils), et Donatello découvrit qu’une carte de cette partie du sous-monde avait été arrachée et jetée plus loin. Il prit le temps de la remettre en place, comme le veut l’usage dans son corps de métier. J’apprécie grandement ceux qui sont consciencieux dans leurs devoirs.
Peu de temps après, alors que nous évoluions dans les tunnels, Donatello découvrit un passage secret, dissimulé sous des plaques de tôle au mur. Nous nous infiltrâmes dans le boyau, plus sombre et humide.
Nous dûmes traverser une partie du tunnel immergée et, lorsque nous en sommes ressortis, nous avons découvert quatre cadavres : deux infectés ainsi que deux gardes du Doge. Les cadavres avaient commencé à gonfler et pourrir dans l’humidité ambiante. Tout semblait indiquer qu’ils s’étaient entretués, mais certaines blessures sur les corps des gardes du Doge ressemblaient à des blessures infligées par une bête sauvage…
… et certaines parties avaient été dévorées. Aucun doute pour moi : il s’agit de blessures infligées par un Perverti, un infecté par la Malédiction, ayant muté jusqu’à se transformer en une créature horrible et assoiffée de sang !
Je récupérai alors les écussons des gardes, afin de fournir la preuve de leur mort.
Après avoir récupéré le matériel qui pourrait nous être utile sur les corps, nous nous remîmes en chemin. Arrivés à un embranchement, nous avons choisi une direction. Nous avons fini par tomber sur le lieutenant Valério, l’officier dirigeant le groupe des gardes du Doge. Il était grièvement blessé, et, après avoir regardé ses plaies, clairement condamné. C’est un miracle qu’il soit encore en vie.
Celui-ci nous raconta alors que son groupe avait été attaqué et massacré par une monstruosité, et qu’il était le seul « survivant ». Il nous dit alors de retourner voir le Contrôleur Regiani et de lui dire que « la porte se trouve bien ici ».
Effectivement, il était adossé à une porte étrange, couverte de symboles indéchiffrables.
Il donna aussi à Léonardo un étrange bracelet, incrusté de gemmes. Ces gemmes semblèrent réagir à la présence de Léonardo, et se mirent à luire. Celui-ci sortit alors de sa poche une autre gemme, qui, elle aussi, luisait faiblement.
Nous fûmes tous très intrigués, et une question simple se posa : qu’est-ce qui se trouvait derrière la porte ?
Valério nous dit alors que ses hommes et lui n’avaient pas pu l’ouvrir. Poussés par la curiosité, nous tentâmes de l’ouvrir, et, après une série de bruits sourds et étranges, la porte s’ouvrit !
C’est alors que Valério, stupéfait, déclara d’une voix blanche : « vous êtes proto-compatibles ! »
Au même instant, une présence se fit entendre derrière nous : une dizaine de miliciens apparurent, aux mines patibulaires et à l’équipement hétéroclite. Deux d’entre eux portaient des Purga. Quelle hérésie ! Le port de ces armes sacrées est réservé aux Purificatores ! Le vol et l’utilisation de telles armes ne prévoit qu’un seul châtiment : la mort.
Je tentai de les intimider en leur rappelant que j’étais un agent de la Cité, et en leur ordonnant de ne pas avancer. Ils hésitèrent un instant, mais, poussés par leur chef, ils se mirent à avancer vers nous, plus prudemment et moins sûrs d’eux. Mes compagnons, pendant ce temps, s’engouffrèrent dans l’étrange salle ouverte dont je ne pus voir qu’un bref aperçu, faisant face aux traîtres en les menaçant de ma propre Purga.
Les miliciens continuèrent d’avancer, leurs porteurs de Purga en tête, pointant leurs armes sur moi. Les imbéciles ! La parfaite connaissance de mon arme m’offrait un avantage sur ces minables !
Lorsqu’ils furent arrivés à portée optimale, d’une main, j’appuyai sur la gâchette, créant dans ce couloir humide un véritable mur de flammes. Je ne pris pas le temps d’apprécier le spectacle, les cris de douleur des hérétiques m’assurant que ma technique avait réussi. J’attrapai le lieutenant Valério par le col et le tirai dans la pièce, avant de refermer la porte le plus vite possible et de m’adosser à elle.
Je pris alors conscience de l’étrangeté de la pièce, bardée de technologie inconnue pour moi, rappelant les reliques des temples des Pèlerins. Au milieu de cela, mes compagnons étaient en train d’examiner des paires de gants sur des piédestaux, commentant leurs couleurs…
… comme des donzelles dans un magasin de vêtements !
Mais par les couilles des Pèlerins, qu’est-ce qu’ils branlent !
J’ai donc procédé à l’interrogatoire du vieux Ernesto. Je lui ai offert deux possibilités : soit il me livrait toutes les informations en sa possession, et je lui offrirais une mort douce et indolore en lui faisant ingérer une dose de sauge mortifère ; soit il refusait toute coopération, et je n’aurais d’autre choix que d’utiliser des méthodes plus salissantes, avant de le faire brûler vif…
Comme souvent dans ce genre de cas, le condamné a préféré la coopération. Nous lui avons donc payé un dernier bon repas, puisant dans nos ressources et dans ce que Luigi et Léonardo étaient capables de dénicher. Je discutais en même temps avec lui, cherchant des informations susceptibles de faire progresser notre quête, tout en tentant d’en apprendre plus sur lui. Son nom est Ernesto Galiveri, et sa famille vit dans le quartier des Dortoirs. Je me suis engagé à leur apprendre que celui-ci était mort dans l’honneur, afin de protéger notre magnifique Cité de Venzia, et de leur faire don de cinq ducats.
Il nous a aussi appris de nombreuses informations intéressantes : un groupe d’infectés serait arrivé il y a trois jours par les Quais. L’un d’entre eux serait mort juste après son arrivée. Les habitants du sous-monde l’ont dépouillé de ses affaires, puis ont brûlé son cadavre. Sage décision. Le groupe serait ensuite parti par la porte B7. Des miliciens locaux sont venus enquêter. Ernesto nous donna ensuite un papier, qu’il avait récupéré sur le cadavre. Si l’écriture au recto était indéchiffrable, une carte se trouvait au verso. Donatello, notre gueule brûlée, a commencé à conduire le groupe vers la porte, tandis que je passais ses derniers instants auprès d’Ernesto. Une fois mort, je brûlai son cadavre et ses maigres possessions, pour purifier l’endroit. Puisse les Pèlerins guider son âme dans l’au-delà.
J’ai rejoint le groupe devant la porte B7. Celle-ci était gardée par deux miliciens, qui semblaient faire des difficultés à mes collègues. Je m’apprêtai à les brûler vifs pour passer en force et gagner du temps, lorsque je fus arrêté. Les miliciens nous laissèrent passer, tout en nous indiquant qu’ils « garderaient un œil sur nous ».
Quelle bonne blague ! Pauvres fous !
Nous nous enfonçâmes donc dans les profondeurs labyrinthiques des couloirs. L’endroit était chaud, humide, et plus ou moins bien éclairé. Peu de temps après, nous fûmes apostrophés par un individu dans un couloir latéral. Celui-ci semblait vouloir nous dire quelque chose, et nous demanda de nous rapprocher.
Sur mes gardes, je m’approchai donc du citoyen, suivi de mes alliés, lorsque nous fûmes pris en embuscade par des malandrins sortant de bouches de tuyaux sur les côtés du tunnel !
J’appuyai instantanément sur la gâchette de ma Purga, et mon lance-flammes libéra son souffle ardent, rôtissant l’hérétique dans son tuyau comme un porc dans un four. Ses hurlements d’agonie ne stoppèrent pas les autres, qui s’attaquèrent au reste du groupe. Nous nous battîmes vaillamment, et je fus positivement surpris du courage de mes alliés. Je grillai un second hérétique avec quelques difficultés, craignant de brûler accidentellement un membre du groupe, puis chargeai dans la mêlée avec mon épée. Nous mîmes en fuite un troisième, tandis que le quatrième lâcha son arme et se rendit.
Après un bref interrogatoire, je conclus que l’individu ne possédait aucune information valable, et c’est donc tout naturellement que je rendis mon jugement. Celui-ci fut promptement exécuté par le jeune Luigi, qui égorgea le malandrin : un juste châtiment pour s’être attaqué à d’honnêtes citoyens de la merveilleuse Cité et à l’un de ses Purificatores.
Nous continuâmes notre chemin dans ce labyrinthe à la chaleur étouffante, guidés par l’expertise de Donatello et la carte. Heureusement que nous avions la gueule brûlée avec nous ! Ses connaissances du sous-monde furent irremplaçables. Nous sommes finalement arrivés près d’un autel dédié aux Pèlerins (bénis soient-ils), et Donatello découvrit qu’une carte de cette partie du sous-monde avait été arrachée et jetée plus loin. Il prit le temps de la remettre en place, comme le veut l’usage dans son corps de métier. J’apprécie grandement ceux qui sont consciencieux dans leurs devoirs.
Peu de temps après, alors que nous évoluions dans les tunnels, Donatello découvrit un passage secret, dissimulé sous des plaques de tôle au mur. Nous nous infiltrâmes dans le boyau, plus sombre et humide.
Nous dûmes traverser une partie du tunnel immergée et, lorsque nous en sommes ressortis, nous avons découvert quatre cadavres : deux infectés ainsi que deux gardes du Doge. Les cadavres avaient commencé à gonfler et pourrir dans l’humidité ambiante. Tout semblait indiquer qu’ils s’étaient entretués, mais certaines blessures sur les corps des gardes du Doge ressemblaient à des blessures infligées par une bête sauvage…
… et certaines parties avaient été dévorées. Aucun doute pour moi : il s’agit de blessures infligées par un Perverti, un infecté par la Malédiction, ayant muté jusqu’à se transformer en une créature horrible et assoiffée de sang !
Je récupérai alors les écussons des gardes, afin de fournir la preuve de leur mort.
Après avoir récupéré le matériel qui pourrait nous être utile sur les corps, nous nous remîmes en chemin. Arrivés à un embranchement, nous avons choisi une direction. Nous avons fini par tomber sur le lieutenant Valério, l’officier dirigeant le groupe des gardes du Doge. Il était grièvement blessé, et, après avoir regardé ses plaies, clairement condamné. C’est un miracle qu’il soit encore en vie.
Celui-ci nous raconta alors que son groupe avait été attaqué et massacré par une monstruosité, et qu’il était le seul « survivant ». Il nous dit alors de retourner voir le Contrôleur Regiani et de lui dire que « la porte se trouve bien ici ».
Effectivement, il était adossé à une porte étrange, couverte de symboles indéchiffrables.
Il donna aussi à Léonardo un étrange bracelet, incrusté de gemmes. Ces gemmes semblèrent réagir à la présence de Léonardo, et se mirent à luire. Celui-ci sortit alors de sa poche une autre gemme, qui, elle aussi, luisait faiblement.
Nous fûmes tous très intrigués, et une question simple se posa : qu’est-ce qui se trouvait derrière la porte ?
Valério nous dit alors que ses hommes et lui n’avaient pas pu l’ouvrir. Poussés par la curiosité, nous tentâmes de l’ouvrir, et, après une série de bruits sourds et étranges, la porte s’ouvrit !
C’est alors que Valério, stupéfait, déclara d’une voix blanche : « vous êtes proto-compatibles ! »
Au même instant, une présence se fit entendre derrière nous : une dizaine de miliciens apparurent, aux mines patibulaires et à l’équipement hétéroclite. Deux d’entre eux portaient des Purga. Quelle hérésie ! Le port de ces armes sacrées est réservé aux Purificatores ! Le vol et l’utilisation de telles armes ne prévoit qu’un seul châtiment : la mort.
Je tentai de les intimider en leur rappelant que j’étais un agent de la Cité, et en leur ordonnant de ne pas avancer. Ils hésitèrent un instant, mais, poussés par leur chef, ils se mirent à avancer vers nous, plus prudemment et moins sûrs d’eux. Mes compagnons, pendant ce temps, s’engouffrèrent dans l’étrange salle ouverte dont je ne pus voir qu’un bref aperçu, faisant face aux traîtres en les menaçant de ma propre Purga.
Les miliciens continuèrent d’avancer, leurs porteurs de Purga en tête, pointant leurs armes sur moi. Les imbéciles ! La parfaite connaissance de mon arme m’offrait un avantage sur ces minables !
Lorsqu’ils furent arrivés à portée optimale, d’une main, j’appuyai sur la gâchette, créant dans ce couloir humide un véritable mur de flammes. Je ne pris pas le temps d’apprécier le spectacle, les cris de douleur des hérétiques m’assurant que ma technique avait réussi. J’attrapai le lieutenant Valério par le col et le tirai dans la pièce, avant de refermer la porte le plus vite possible et de m’adosser à elle.
Je pris alors conscience de l’étrangeté de la pièce, bardée de technologie inconnue pour moi, rappelant les reliques des temples des Pèlerins. Au milieu de cela, mes compagnons étaient en train d’examiner des paires de gants sur des piédestaux, commentant leurs couleurs…
… comme des donzelles dans un magasin de vêtements !
Mais par les couilles des Pèlerins, qu’est-ce qu’ils branlent !
Re: Campagne de thefada - Journal de Solomoné « Kriss » Kane, Purificatore
Extrait du journal de Solomoné « Kriss » Kane
Adossé à la porte, je regardais, stupéfait, mes collègues choisir leurs gants sur les piédestaux et, sur les encouragements
de Valério, les enfiler.
À ma plus grande consternation, je vis alors des plaques métalliques se déployer depuis les gants et recouvrir
entièrement leurs corps. Le métal semblait jaillir de nulle part et s’étendre de manière différente selon son porteur. Mais
une chose me frappa malgré ma stupéfaction en les observant : l’armure, en se déployant, écrasait certaines pièces
d’équipement, en détachait d’autres et en détruisait même certaines !
Finalement, tous furent entièrement engoncés dans des armures, mais chacune était différente : celles de Donatello et de
Luigi étaient massives et lourdes, tandis que celle de Léonardo semblait bien plus légère et moins encombrante.
Valério insista pour que je prenne moi aussi une paire de gants. Je lui rétorquai que c’était un héritage des Pèlerins, une
relique sacrée, et que nous n’étions pas dignes de porter de tels artefacts !
Je ne sais plus trop ce que répondit le lieutenant de la garde, mais il me semble bien qu’il m’ait traité d’imbécile…
Je parcourais la salle du regard, et mon attention se porta sur un piédestal en particulier. Je m’en approchai. Une paire
de gants en cuir noir reposait dessus, sertie de gemmes noires et rouges.
J’avais vu les dégâts causés à l’équipement de mes compagnons, et à contrecœur, je déposai ma Purga et défis mon
ceinturon d’armes.
Puis je me saisis des gants, et les enfilai. Pendant un instant, rien ne se passa. Ce sont les gants de cuir qui semblèrent se
rétrécir et s’adapter parfaitement à mes mains. C’est alors que, soudainement, une armure se déploya, là aussi, sur mon
corps. Plaque après plaque, mes bras, mon torse puis le reste de mon corps furent recouverts d’une armure d’un noir de
jais.
Et c’est là que je la ressentis. Montant en moi au rythme du déploiement de l’armure. Sa colère. Son amertume. Son
dégoût. Quand mon corps fut entièrement recouvert par l’armure, j’en étais certain : elle ne m’aimait pas.
Malgré le sentiment de choc que cela faisait naître en moi, instinctivement, je remarquai que je SAVAIS ce que cette
armure pouvait faire. Un tourbillon de pensées et de questions tourbillonna telles une tempête dans mon esprit :
comment ? Pourquoi ? Pourquoi moi ?
Mais l’urgence de la situation relégua ces pensées à l’arrière de mon esprit.
Bien que des cris et des hurlements plaisants filtrent toujours au travers de la porte, j’étais sûr d’en avoir tué quelques-uns,
mais leur masse était telle qu’il était peu probable qu’ils soient tous morts ou qu’ils se soient tous repliés.
Après une brève discussion, Donatello proposa d’utiliser les fumigènes de son armure pour noyer la salle dans le
brouillard, que nous ouvrions la porte, puis tirions à l’aveugle sur nos ennemis avec les « armes à énergie » dont nous
étions nouvellement équipés, et dont nous savions instinctivement et de manière incompréhensible nous servir.
Sans autre plan, nous acceptâmes son idée. Donatello et Luigi se mirent face à la porte, tandis que Léonardo se mettait
derrière eux. Quant à moi, je me plaçai derrière la porte, prêt à l’ouvrir et à me rabattre sur le côté pour laisser le champ
de tir libre à mes alliés.
Après s’être assuré que Valério était dans un angle de la pièce, le plus à l’abri possible derrière un piédestal, Donatello
déclencha les fumigènes de son armure : en quelques instants, la pièce fut envahie d’une épaisse fumée totalement
opaque, qui réduisit la visibilité à quelques centimètres… Finalement, ce n’était peut-être pas une si bonne idée que cela
!
J’ouvris la porte et me décalai, tandis que Donatello ouvrit alors le feu à l’aveugle vers l’extérieur. Un puissant rayon de
lumière jaillit de son arme, suivi d’un cri de douleur et de cris d’effroi. Luigi ouvrit lui aussi le feu à travers la fumée,
provoquant d’autres cris alarmés, qui atteignirent la panique la plus totale avec le tir du rayon de Léonardo.
Nous entendîmes alors les miliciens battre en retraite. À notre grande surprise, d’autres cris de douleur et de terreur
suivirent, alors que nous avions arrêté de faire feu.
Donatello annonça alors qu’il allait sortir de la pièce, sa massive armure se découpant vaguement à travers la porte d’où
s’échappait la fumée tandis qu’il franchissait son seuil.Quelques instants plus tard, son arme tira encore, suivie d’un rugissement
inhumain et d’un brutal bruit de choc.
Donatello laissa échapper un cri. Sans hésiter un instant, je m’élançai à mon tour vers la porte. D’une simple pensée, de
longues griffes d’une trentaine de centimètres jaillirent de mon gantelet droit tandis que je sortais de la fumée dans le
couloir. Celui-ci était couvert de cadavres calcinés et de fumée, mais je m’arrêtai un instant en découvrant une vision
d’horreur : Donatello, dans sa lourde armure, était aux prises avec une immense créature à la peau noire et métallique, à
la forme vaguement humanoïde, toute de griffes et de piques.
« Monstre »… « Chimère Noire »…
Ces pensées qui s’imprimèrent dans mon esprit comme un feu brûlant n’étaient pas les miennes. Une bête légendaire.
L’ennemi ultime de mon Ordre.
Aussitôt, je ressentis la colère de mon armure, qui s’infusa et trouva un écho en moi. Mû par un mélange de fureur et de
devoir sacré, je m’élançai avec un cri inarticulé vers la bête. D’un coup direct passant sous sa garde, je plongeai
profondément les lames de mes griffes dans sa poitrine, jusqu’à ce que mon poing bute contre sa peau métallique. La
bête émit un hurlement qui me vrilla les tympans malgré mon casque, mais mon armure et moi partagions alors la
satisfaction d’avoir grièvement blessé le monstre !
Le jeune Luigi se joignit alors à la mêlée sans même que je m’en sois rendu compte, mais la créature recula pour se
retirer de l’étreinte de ma griffe et, ce faisant, le coup de l’Orphelin manqua sa cible.
Léonardo nous rejoignit, et le brave marchand frappa à son tour, d’un magnifique horion de son arme intégrée. Son
coup porta, mais dans la confusion du combat et face à une si étrange créature, je fus incapable de savoir s’il la blessa
ou si son arme ne fit que glisser sur sa peau dure comme l’acier.
Acculée, la bête frappa pour se faire de la place, mais grièvement estropiée, aucun d’entre nous ne fut blessé. Je profitai
de la situation et, d’une pensée, je sollicitai la puissance de mon armure et la contraignis à me fournir la force nécessaire
pour achever la bête. Je sentis alors l’esprit de la machine de mon armure se rebeller contre mon ordre, et alors que mon
coup fusait vers le cœur du monstre, je sentis les servomoteurs de mes jambes se gripper le temps d’une seconde ! Je
dérapai de manière inattendue et mon coup parfait manqua alors sa cible. Entraîné par mon élan, je me vautrai
lamentablement au sol, dans la fange et les cendres des miliciens brûlés. Cette armure maudite m’avait trahi !
Allongé au sol sur le ventre, je ne pus voir l’échange de coups, même si j’entendis le fracas confus du combat qui
continua au-dessus de moi. Je me mis à quatre pattes péniblement pour me relever, lorsque la patte griffue du monstre
me marcha littéralement dessus et m’écrasa de nouveau au sol ! Je sentis au moins une côte se briser sous le poids de la
bête.
Je tournai tout de même la tête vers le combat, et je vis Luigi frapper de nouveau la Chimère, mais celle-ci esquiva. Au
même moment, profitant de la distraction, Léonardo, poussant un hurlement mêlant rage et terreur issu d’un cauchemar,
frappa violemment de sa lame. La force colossale du coup trancha le bras droit sous l’épaule du monstre et se planta
profondément dans son torse.
Dans un cri strident et une gerbe de sang noir, la monstruosité s’effondra à côté de moi.
Je me relevai péniblement et observai la scène. Le couloir était à moitié envahi de fumée, mélange des fumigènes
utilisés par Donatello dans la pièce adjacente et des cendres restantes des miliciens brûlés. À mes pieds gisait le cadavre
de la Bête.
Heureusement, personne parmi nous n’était grièvement blessé. Je pris tout d’abord un instant avec l’un de mes
compagnons afin de sortir Valério de la pièce aux piédestaux. Il avait survécu à ses graves blessures ; il serait fâcheux
qu’il meure à cause de la fumée de Donatello.
Mais il fallait maintenant s’assurer que la Chimère ne se relève pas pour nous attaquer. Pendant que mes compagnons
étaient occupés à discuter entre eux, je fis le tour des corps des miliciens. Je n’eus même pas à en achever un seul, car la
Bête avait été méthodique dans sa boucherie, et tous étaient morts.
Je finis par trouver une hache. Je me mis alors en devoir de décapiter la Bête, car je partais d’un vieux dicton disant
qu’une créature privée de sa tête était généralement le meilleur moyen de s’assurer qu’elle était définitivement morte.
Tout à ma tâche, je ne pus m’empêcher de faire le rapprochement entre la forme de la créature et la statue que j’avais
vue dans les profondeurs du Dédale, au fin fond du quartier de la Fosse, lorsque j’avais sauvé la fille du capitaine
Kantor. Instinctivement, une voix dans ma tête me disait que la Maledizione de l’Acqua Malefacente et cette Chimère
Noire étaient liées… à moins que ce fût un murmure de l’armure ?
Après un bon quart d’heure à taper comme un sourd pour lui décoller la tête, je finis ma besogne trempé de sueur sous
mon harnois. La peau et les os étaient durs comme du métal, tandis que sa chair semblait caoutchouteuse, la lame de la
hache mordant avec difficulté dedans. Je décidai alors d’emporter le crâne comme preuve et trophée de notre victoire.
Ainsi, nul ne pourrait nier nos paroles, ni nous traiter de fous ou de menteurs. Je mis celui-ci dans un grand sac trouvé
sur le cadavre d’un milicien. Rapidement, le sang noir de la créature imbiba le tissu et laissa goutter l’ichor sur le sol
sale.
Après avoir désactivé nos armures, nous reprîmes alors le chemin en sens inverse, portant avec nous ce brave Valério et
emportant les paires de gants restantes dans la salle. Il n’était pas pensable de le laisser mourir seul ici, et malgré ses
supplications, nous décidâmes d’essayer de le sauver. Malheureusement, il décéda moins d’une heure plus tard, sur le
chemin du retour. Nous laissâmes son corps dans une chapelle annexe, sous la protection bienveillante des Pèlerins. Nul
doute qu’ils sauraient juger de sa valeur.
Nous émergeâmes finalement des tunnels dans la grotte immense où se trouvaient les Quais souterrains. À notre grande
surprise, les unités de la Garde du Doge avaient investi les lieux, prenant le contrôle et ayant vaincu les miliciens, ces
traîtres. Plusieurs de leurs cadavres étaient visibles, et d’autres étaient aux arrêts. Mais les gardes avaient l’air stupéfaits
de nous voir. Et c’était normal, vu nos apparences. En se déployant, nos armures avaient lacéré nos vêtements et détruit
un grand nombre de nos pièces d’équipement.
Nous avions l’air épuisés, en haillons, de quoi faire peur. Nous leur indiquâmes alors le destin de Valério et de ses
hommes, et où les retrouver, mais aussi nous les avons prévenus de la multitude de corps qu’ils trouveraient là-bas.
Puis nous fûmes escortés à travers le lac, naviguant à toute vitesse sur ces eaux noires, traversant les grottes puis la Cité.
Nous étions dans le téléphérique nous menant au quartier Musile, vers le Palais Reggiani, lorsque je pris le temps
d’observer celle-ci. Le soleil se couchait alors, et jamais je n’avais trouvé Venzia aussi belle, la lumière dorée jouant sur
ses toits et ses tours. Mais jamais aussi je ne fus aussi conscient du terrible danger qui pesait sur elle, et sur la multitude
de ses citoyens.
Lorsque nous arrivâmes au Palais, le Contrôleur Reggiani nous attendait. Un véritable festin avait été préparé à notre
attention, et le Contrôleur posa sur nous un regard interloqué en nous voyant revenir dans notre état. Théâtralement, je
fis chuter la tête de la Chimère Noire hors du sac, qui roula et laissa une traînée de sang noir sur le marbre immaculé du
sol.
C’est alors que surgirent des ombres le Doge en personne. Nous racontâmes alors notre aventure, et ceux-ci nous
confirmèrent que nous étions bien proto-compatibles, c’est-à-dire que nous avions un lien mystérieux avec la
technologie disparue des Pèlerins. Ils nous expliquèrent qu’ils nous avaient découverts depuis un moment et observés
avec attention avant de nous sélectionner. C’est aussi à ce moment que le Doge avoua ne pas avoir révélé la vraie nature
de notre mission au Contrôleur Reggiani.
Nous apprîmes aussi que nous devions garder tout cela secret. J’avoue avoir été profondément déçu de ne pas pouvoir
raconter notre rencontre avec la Chimère Noire à mes collègues Purificatores, ni même pouvoir les avertir du danger
terrible que représentaient ces créatures.
Le Doge nous récompensa généreusement en nous faisant don d’un millier de ducats chacun, une vraie fortune. Nous
devions reprendre nos vies normalement, et celui-ci ferait appel à nous en cas de besoin. Je réussis à négocier auprès du
Doge qu’une retraite soit accordée à Ametisto, afin qu’il puisse vivre dignement, et non au fond du cloaque dans lequel
il était réduit à survivre.
J’abordai aussi le fait de ma couverture : si je m’absentais aussi régulièrement de mes services, mes collègues et
supérieurs de l’Ordre des Purificatores allaient trouver cela louche, et une enquête risquait alors d’être faite sur moi. On
pouvait être sûr qu’ils découvriraient la vérité. C’est pour cela que je demandai un rattachement au Ministère de la
Santé, qui pourrait me servir de couverture. De plus, mon intérêt pour les maladies et surtout la Maledizione était un fait
connu parmi mes confrères. Cela ne les surprendrait pas que je sois encouragé à étudier les maladies auprès du
Ministère de la Santé, et me retirerait du service pleinement actif, tout en faisant de moi un « spécialiste » qui pourrait
être appelé en cas de doute par le Ministère.
Après quelques instants de réflexion, le Doge et le Contrôleur acceptèrent mon idée. Je leur laissai le soin de s’occuper
de cela administrativement.
Après avoir mangé tout en écoutant les ordres et conseils de nos commanditaires, il était temps pour nous de rentrer.
Épuisés et éreintés, mes compagnons et moi nous séparâmes, chacun rentrant chez lui.
Je rentrai à ma caserne dans les bas-fonds, dont la sentinelle fut surprise par mon état. Après avoir retiré mes habits en
loques et pris une longue douche, je m’effondrai dans mon lit avant de dormir pendant douze heures.
_________________________________________________________________________________________________
Les jours suivants, je dus voir le médecin, qui fut surpris de mon état, mais surtout je dus faire mon rapport à mon
supérieur. Or, pendant ma nuit de sommeil, un message était parvenu du Ministère de la Santé, indiquant que j’étais
désormais détaché auprès de celui-ci. J’étais retiré du service actif et des affaires courantes, bien que je pusse toujours
être mis à profit en cas de besoin.
Je dus malheureusement mentir un peu à mes collègues et à mes chefs, mais ma nouvelle affectation faisait sens, et je
m’en sortis bien.
J’avais néanmoins le cœur lourd, car je ne pouvais pas leur raconter mes aventures, ni mes découvertes, et encore moins
mon combat contre la Chimère Noire.
Je retrouvai mes compagnons chez Arcibado Palsenti afin que nous travaillions sur nos armures hippogriffes, pour
mieux comprendre comment elles fonctionnaient et comment les apprivoiser. Un moment pas vraiment agréable pour
moi.
Enfin, je me rendis auprès de la famille d’Ernesto Galiveri, vivant dans le quartier des dortoirs. La peur les étreignit
lorsqu’ils me virent, et c’est une réaction courante lorsqu’un Purificatore frappe à votre porte. Puis la tristesse et les
larmes inondèrent leurs visages lorsque je leur appris la mort d’Ernesto. Mais dans leur deuil, je tentai de les réconforter
en leur disant que celui-ci était mort en héros, son sacrifice ayant permis une victoire contre un dangereux ennemi de la
Cité, sans pouvoir leur en dire plus, mais en leur assurant qu’il n’avait pas souffert. Enfin, en remerciement de son
courage, au nom de la Cité de Venzia, je leur remis une bourse de non pas cinq ducats comme je m’y étais engagé, mais
de dix.
Durant tous ces jours, je ne pus m’empêcher de réfléchir aux aventures que nous avions vécues. Et surtout aux liens
entre les différents événements. Ainsi, le Doge et certains Contrôleurs étaient au courant de l’existence des Chimères
Noires. Je ne crois pas au hasard, et pour moi, le fait que l’une de ces créatures rôdait à proximité de la salle n’avait rien
d’anodin. Était-elle une gardienne de la salle au trésor que représentaient les gants ? Quel lien y avait-il entre elles et les
Pèlerins ? Les Chimères Noires sont-elles responsables de la disparition des Pèlerins ?
Quel message contenait le parchemin étrange que nous avons remis au Doge, et dont nous ne comprenions pas le
contenu ? Pourquoi le Doge a-t-il fait rechercher la salle aux artefacts maintenant ? Comment ses hommes ou lui-même
ont-ils obtenu ces informations ?
Et pourquoi des infectés étaient-ils eux aussi, au même moment, à la recherche des artefacts Pèlerins ? Pourquoi
venaient-ils de si loin ? Comment savaient-ils où se trouvait la salle ? Existe-t-il un lien entre les infectés et les
Chimères Noires ? Certains infectés peuvent-ils eux-mêmes être proto-compatibles ? Et pourquoi tentaient-ils de s’en
emparer ? Pour se soigner ? Fort peu probable. Pour tenter de les utiliser et propager la Maledizione ? La pensée d’un
seul infecté souillant ainsi une telle sainte relique et les dégâts qu’il pourrait causer me fait frissonner d’horreur…
Alors, s’ils étaient plusieurs, comme nous, je n’ose pas imaginer...
Comme je le pensais depuis le début de toute cette histoire, tout cela est énigmatique, et malgré ma loyauté envers
Venzia et le Doge, j’ai la nette impression que nous ne sommes que des pions dans le jeu de puissances qui nous
dépassent…
Adossé à la porte, je regardais, stupéfait, mes collègues choisir leurs gants sur les piédestaux et, sur les encouragements
de Valério, les enfiler.
À ma plus grande consternation, je vis alors des plaques métalliques se déployer depuis les gants et recouvrir
entièrement leurs corps. Le métal semblait jaillir de nulle part et s’étendre de manière différente selon son porteur. Mais
une chose me frappa malgré ma stupéfaction en les observant : l’armure, en se déployant, écrasait certaines pièces
d’équipement, en détachait d’autres et en détruisait même certaines !
Finalement, tous furent entièrement engoncés dans des armures, mais chacune était différente : celles de Donatello et de
Luigi étaient massives et lourdes, tandis que celle de Léonardo semblait bien plus légère et moins encombrante.
Valério insista pour que je prenne moi aussi une paire de gants. Je lui rétorquai que c’était un héritage des Pèlerins, une
relique sacrée, et que nous n’étions pas dignes de porter de tels artefacts !
Je ne sais plus trop ce que répondit le lieutenant de la garde, mais il me semble bien qu’il m’ait traité d’imbécile…
Je parcourais la salle du regard, et mon attention se porta sur un piédestal en particulier. Je m’en approchai. Une paire
de gants en cuir noir reposait dessus, sertie de gemmes noires et rouges.
J’avais vu les dégâts causés à l’équipement de mes compagnons, et à contrecœur, je déposai ma Purga et défis mon
ceinturon d’armes.
Puis je me saisis des gants, et les enfilai. Pendant un instant, rien ne se passa. Ce sont les gants de cuir qui semblèrent se
rétrécir et s’adapter parfaitement à mes mains. C’est alors que, soudainement, une armure se déploya, là aussi, sur mon
corps. Plaque après plaque, mes bras, mon torse puis le reste de mon corps furent recouverts d’une armure d’un noir de
jais.
Et c’est là que je la ressentis. Montant en moi au rythme du déploiement de l’armure. Sa colère. Son amertume. Son
dégoût. Quand mon corps fut entièrement recouvert par l’armure, j’en étais certain : elle ne m’aimait pas.
Malgré le sentiment de choc que cela faisait naître en moi, instinctivement, je remarquai que je SAVAIS ce que cette
armure pouvait faire. Un tourbillon de pensées et de questions tourbillonna telles une tempête dans mon esprit :
comment ? Pourquoi ? Pourquoi moi ?
Mais l’urgence de la situation relégua ces pensées à l’arrière de mon esprit.
Bien que des cris et des hurlements plaisants filtrent toujours au travers de la porte, j’étais sûr d’en avoir tué quelques-uns,
mais leur masse était telle qu’il était peu probable qu’ils soient tous morts ou qu’ils se soient tous repliés.
Après une brève discussion, Donatello proposa d’utiliser les fumigènes de son armure pour noyer la salle dans le
brouillard, que nous ouvrions la porte, puis tirions à l’aveugle sur nos ennemis avec les « armes à énergie » dont nous
étions nouvellement équipés, et dont nous savions instinctivement et de manière incompréhensible nous servir.
Sans autre plan, nous acceptâmes son idée. Donatello et Luigi se mirent face à la porte, tandis que Léonardo se mettait
derrière eux. Quant à moi, je me plaçai derrière la porte, prêt à l’ouvrir et à me rabattre sur le côté pour laisser le champ
de tir libre à mes alliés.
Après s’être assuré que Valério était dans un angle de la pièce, le plus à l’abri possible derrière un piédestal, Donatello
déclencha les fumigènes de son armure : en quelques instants, la pièce fut envahie d’une épaisse fumée totalement
opaque, qui réduisit la visibilité à quelques centimètres… Finalement, ce n’était peut-être pas une si bonne idée que cela
!
J’ouvris la porte et me décalai, tandis que Donatello ouvrit alors le feu à l’aveugle vers l’extérieur. Un puissant rayon de
lumière jaillit de son arme, suivi d’un cri de douleur et de cris d’effroi. Luigi ouvrit lui aussi le feu à travers la fumée,
provoquant d’autres cris alarmés, qui atteignirent la panique la plus totale avec le tir du rayon de Léonardo.
Nous entendîmes alors les miliciens battre en retraite. À notre grande surprise, d’autres cris de douleur et de terreur
suivirent, alors que nous avions arrêté de faire feu.
Donatello annonça alors qu’il allait sortir de la pièce, sa massive armure se découpant vaguement à travers la porte d’où
s’échappait la fumée tandis qu’il franchissait son seuil.Quelques instants plus tard, son arme tira encore, suivie d’un rugissement
inhumain et d’un brutal bruit de choc.
Donatello laissa échapper un cri. Sans hésiter un instant, je m’élançai à mon tour vers la porte. D’une simple pensée, de
longues griffes d’une trentaine de centimètres jaillirent de mon gantelet droit tandis que je sortais de la fumée dans le
couloir. Celui-ci était couvert de cadavres calcinés et de fumée, mais je m’arrêtai un instant en découvrant une vision
d’horreur : Donatello, dans sa lourde armure, était aux prises avec une immense créature à la peau noire et métallique, à
la forme vaguement humanoïde, toute de griffes et de piques.
« Monstre »… « Chimère Noire »…
Ces pensées qui s’imprimèrent dans mon esprit comme un feu brûlant n’étaient pas les miennes. Une bête légendaire.
L’ennemi ultime de mon Ordre.
Aussitôt, je ressentis la colère de mon armure, qui s’infusa et trouva un écho en moi. Mû par un mélange de fureur et de
devoir sacré, je m’élançai avec un cri inarticulé vers la bête. D’un coup direct passant sous sa garde, je plongeai
profondément les lames de mes griffes dans sa poitrine, jusqu’à ce que mon poing bute contre sa peau métallique. La
bête émit un hurlement qui me vrilla les tympans malgré mon casque, mais mon armure et moi partagions alors la
satisfaction d’avoir grièvement blessé le monstre !
Le jeune Luigi se joignit alors à la mêlée sans même que je m’en sois rendu compte, mais la créature recula pour se
retirer de l’étreinte de ma griffe et, ce faisant, le coup de l’Orphelin manqua sa cible.
Léonardo nous rejoignit, et le brave marchand frappa à son tour, d’un magnifique horion de son arme intégrée. Son
coup porta, mais dans la confusion du combat et face à une si étrange créature, je fus incapable de savoir s’il la blessa
ou si son arme ne fit que glisser sur sa peau dure comme l’acier.
Acculée, la bête frappa pour se faire de la place, mais grièvement estropiée, aucun d’entre nous ne fut blessé. Je profitai
de la situation et, d’une pensée, je sollicitai la puissance de mon armure et la contraignis à me fournir la force nécessaire
pour achever la bête. Je sentis alors l’esprit de la machine de mon armure se rebeller contre mon ordre, et alors que mon
coup fusait vers le cœur du monstre, je sentis les servomoteurs de mes jambes se gripper le temps d’une seconde ! Je
dérapai de manière inattendue et mon coup parfait manqua alors sa cible. Entraîné par mon élan, je me vautrai
lamentablement au sol, dans la fange et les cendres des miliciens brûlés. Cette armure maudite m’avait trahi !
Allongé au sol sur le ventre, je ne pus voir l’échange de coups, même si j’entendis le fracas confus du combat qui
continua au-dessus de moi. Je me mis à quatre pattes péniblement pour me relever, lorsque la patte griffue du monstre
me marcha littéralement dessus et m’écrasa de nouveau au sol ! Je sentis au moins une côte se briser sous le poids de la
bête.
Je tournai tout de même la tête vers le combat, et je vis Luigi frapper de nouveau la Chimère, mais celle-ci esquiva. Au
même moment, profitant de la distraction, Léonardo, poussant un hurlement mêlant rage et terreur issu d’un cauchemar,
frappa violemment de sa lame. La force colossale du coup trancha le bras droit sous l’épaule du monstre et se planta
profondément dans son torse.
Dans un cri strident et une gerbe de sang noir, la monstruosité s’effondra à côté de moi.
Je me relevai péniblement et observai la scène. Le couloir était à moitié envahi de fumée, mélange des fumigènes
utilisés par Donatello dans la pièce adjacente et des cendres restantes des miliciens brûlés. À mes pieds gisait le cadavre
de la Bête.
Heureusement, personne parmi nous n’était grièvement blessé. Je pris tout d’abord un instant avec l’un de mes
compagnons afin de sortir Valério de la pièce aux piédestaux. Il avait survécu à ses graves blessures ; il serait fâcheux
qu’il meure à cause de la fumée de Donatello.
Mais il fallait maintenant s’assurer que la Chimère ne se relève pas pour nous attaquer. Pendant que mes compagnons
étaient occupés à discuter entre eux, je fis le tour des corps des miliciens. Je n’eus même pas à en achever un seul, car la
Bête avait été méthodique dans sa boucherie, et tous étaient morts.
Je finis par trouver une hache. Je me mis alors en devoir de décapiter la Bête, car je partais d’un vieux dicton disant
qu’une créature privée de sa tête était généralement le meilleur moyen de s’assurer qu’elle était définitivement morte.
Tout à ma tâche, je ne pus m’empêcher de faire le rapprochement entre la forme de la créature et la statue que j’avais
vue dans les profondeurs du Dédale, au fin fond du quartier de la Fosse, lorsque j’avais sauvé la fille du capitaine
Kantor. Instinctivement, une voix dans ma tête me disait que la Maledizione de l’Acqua Malefacente et cette Chimère
Noire étaient liées… à moins que ce fût un murmure de l’armure ?
Après un bon quart d’heure à taper comme un sourd pour lui décoller la tête, je finis ma besogne trempé de sueur sous
mon harnois. La peau et les os étaient durs comme du métal, tandis que sa chair semblait caoutchouteuse, la lame de la
hache mordant avec difficulté dedans. Je décidai alors d’emporter le crâne comme preuve et trophée de notre victoire.
Ainsi, nul ne pourrait nier nos paroles, ni nous traiter de fous ou de menteurs. Je mis celui-ci dans un grand sac trouvé
sur le cadavre d’un milicien. Rapidement, le sang noir de la créature imbiba le tissu et laissa goutter l’ichor sur le sol
sale.
Après avoir désactivé nos armures, nous reprîmes alors le chemin en sens inverse, portant avec nous ce brave Valério et
emportant les paires de gants restantes dans la salle. Il n’était pas pensable de le laisser mourir seul ici, et malgré ses
supplications, nous décidâmes d’essayer de le sauver. Malheureusement, il décéda moins d’une heure plus tard, sur le
chemin du retour. Nous laissâmes son corps dans une chapelle annexe, sous la protection bienveillante des Pèlerins. Nul
doute qu’ils sauraient juger de sa valeur.
Nous émergeâmes finalement des tunnels dans la grotte immense où se trouvaient les Quais souterrains. À notre grande
surprise, les unités de la Garde du Doge avaient investi les lieux, prenant le contrôle et ayant vaincu les miliciens, ces
traîtres. Plusieurs de leurs cadavres étaient visibles, et d’autres étaient aux arrêts. Mais les gardes avaient l’air stupéfaits
de nous voir. Et c’était normal, vu nos apparences. En se déployant, nos armures avaient lacéré nos vêtements et détruit
un grand nombre de nos pièces d’équipement.
Nous avions l’air épuisés, en haillons, de quoi faire peur. Nous leur indiquâmes alors le destin de Valério et de ses
hommes, et où les retrouver, mais aussi nous les avons prévenus de la multitude de corps qu’ils trouveraient là-bas.
Puis nous fûmes escortés à travers le lac, naviguant à toute vitesse sur ces eaux noires, traversant les grottes puis la Cité.
Nous étions dans le téléphérique nous menant au quartier Musile, vers le Palais Reggiani, lorsque je pris le temps
d’observer celle-ci. Le soleil se couchait alors, et jamais je n’avais trouvé Venzia aussi belle, la lumière dorée jouant sur
ses toits et ses tours. Mais jamais aussi je ne fus aussi conscient du terrible danger qui pesait sur elle, et sur la multitude
de ses citoyens.
Lorsque nous arrivâmes au Palais, le Contrôleur Reggiani nous attendait. Un véritable festin avait été préparé à notre
attention, et le Contrôleur posa sur nous un regard interloqué en nous voyant revenir dans notre état. Théâtralement, je
fis chuter la tête de la Chimère Noire hors du sac, qui roula et laissa une traînée de sang noir sur le marbre immaculé du
sol.
C’est alors que surgirent des ombres le Doge en personne. Nous racontâmes alors notre aventure, et ceux-ci nous
confirmèrent que nous étions bien proto-compatibles, c’est-à-dire que nous avions un lien mystérieux avec la
technologie disparue des Pèlerins. Ils nous expliquèrent qu’ils nous avaient découverts depuis un moment et observés
avec attention avant de nous sélectionner. C’est aussi à ce moment que le Doge avoua ne pas avoir révélé la vraie nature
de notre mission au Contrôleur Reggiani.
Nous apprîmes aussi que nous devions garder tout cela secret. J’avoue avoir été profondément déçu de ne pas pouvoir
raconter notre rencontre avec la Chimère Noire à mes collègues Purificatores, ni même pouvoir les avertir du danger
terrible que représentaient ces créatures.
Le Doge nous récompensa généreusement en nous faisant don d’un millier de ducats chacun, une vraie fortune. Nous
devions reprendre nos vies normalement, et celui-ci ferait appel à nous en cas de besoin. Je réussis à négocier auprès du
Doge qu’une retraite soit accordée à Ametisto, afin qu’il puisse vivre dignement, et non au fond du cloaque dans lequel
il était réduit à survivre.
J’abordai aussi le fait de ma couverture : si je m’absentais aussi régulièrement de mes services, mes collègues et
supérieurs de l’Ordre des Purificatores allaient trouver cela louche, et une enquête risquait alors d’être faite sur moi. On
pouvait être sûr qu’ils découvriraient la vérité. C’est pour cela que je demandai un rattachement au Ministère de la
Santé, qui pourrait me servir de couverture. De plus, mon intérêt pour les maladies et surtout la Maledizione était un fait
connu parmi mes confrères. Cela ne les surprendrait pas que je sois encouragé à étudier les maladies auprès du
Ministère de la Santé, et me retirerait du service pleinement actif, tout en faisant de moi un « spécialiste » qui pourrait
être appelé en cas de doute par le Ministère.
Après quelques instants de réflexion, le Doge et le Contrôleur acceptèrent mon idée. Je leur laissai le soin de s’occuper
de cela administrativement.
Après avoir mangé tout en écoutant les ordres et conseils de nos commanditaires, il était temps pour nous de rentrer.
Épuisés et éreintés, mes compagnons et moi nous séparâmes, chacun rentrant chez lui.
Je rentrai à ma caserne dans les bas-fonds, dont la sentinelle fut surprise par mon état. Après avoir retiré mes habits en
loques et pris une longue douche, je m’effondrai dans mon lit avant de dormir pendant douze heures.
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Les jours suivants, je dus voir le médecin, qui fut surpris de mon état, mais surtout je dus faire mon rapport à mon
supérieur. Or, pendant ma nuit de sommeil, un message était parvenu du Ministère de la Santé, indiquant que j’étais
désormais détaché auprès de celui-ci. J’étais retiré du service actif et des affaires courantes, bien que je pusse toujours
être mis à profit en cas de besoin.
Je dus malheureusement mentir un peu à mes collègues et à mes chefs, mais ma nouvelle affectation faisait sens, et je
m’en sortis bien.
J’avais néanmoins le cœur lourd, car je ne pouvais pas leur raconter mes aventures, ni mes découvertes, et encore moins
mon combat contre la Chimère Noire.
Je retrouvai mes compagnons chez Arcibado Palsenti afin que nous travaillions sur nos armures hippogriffes, pour
mieux comprendre comment elles fonctionnaient et comment les apprivoiser. Un moment pas vraiment agréable pour
moi.
Enfin, je me rendis auprès de la famille d’Ernesto Galiveri, vivant dans le quartier des dortoirs. La peur les étreignit
lorsqu’ils me virent, et c’est une réaction courante lorsqu’un Purificatore frappe à votre porte. Puis la tristesse et les
larmes inondèrent leurs visages lorsque je leur appris la mort d’Ernesto. Mais dans leur deuil, je tentai de les réconforter
en leur disant que celui-ci était mort en héros, son sacrifice ayant permis une victoire contre un dangereux ennemi de la
Cité, sans pouvoir leur en dire plus, mais en leur assurant qu’il n’avait pas souffert. Enfin, en remerciement de son
courage, au nom de la Cité de Venzia, je leur remis une bourse de non pas cinq ducats comme je m’y étais engagé, mais
de dix.
Durant tous ces jours, je ne pus m’empêcher de réfléchir aux aventures que nous avions vécues. Et surtout aux liens
entre les différents événements. Ainsi, le Doge et certains Contrôleurs étaient au courant de l’existence des Chimères
Noires. Je ne crois pas au hasard, et pour moi, le fait que l’une de ces créatures rôdait à proximité de la salle n’avait rien
d’anodin. Était-elle une gardienne de la salle au trésor que représentaient les gants ? Quel lien y avait-il entre elles et les
Pèlerins ? Les Chimères Noires sont-elles responsables de la disparition des Pèlerins ?
Quel message contenait le parchemin étrange que nous avons remis au Doge, et dont nous ne comprenions pas le
contenu ? Pourquoi le Doge a-t-il fait rechercher la salle aux artefacts maintenant ? Comment ses hommes ou lui-même
ont-ils obtenu ces informations ?
Et pourquoi des infectés étaient-ils eux aussi, au même moment, à la recherche des artefacts Pèlerins ? Pourquoi
venaient-ils de si loin ? Comment savaient-ils où se trouvait la salle ? Existe-t-il un lien entre les infectés et les
Chimères Noires ? Certains infectés peuvent-ils eux-mêmes être proto-compatibles ? Et pourquoi tentaient-ils de s’en
emparer ? Pour se soigner ? Fort peu probable. Pour tenter de les utiliser et propager la Maledizione ? La pensée d’un
seul infecté souillant ainsi une telle sainte relique et les dégâts qu’il pourrait causer me fait frissonner d’horreur…
Alors, s’ils étaient plusieurs, comme nous, je n’ose pas imaginer...
Comme je le pensais depuis le début de toute cette histoire, tout cela est énigmatique, et malgré ma loyauté envers
Venzia et le Doge, j’ai la nette impression que nous ne sommes que des pions dans le jeu de puissances qui nous
dépassent…